L’analyse de produits psychotropes ou la question du droit à la santé pour tous ?

Un siècle de répression et de programmes de prévention n’est pas parvenu à bout de l’usage de drogues. Il y a et aura toujours des personnes qui usent voire abusent des drogues légales ou illégales. Cette consommation et les risques encourus sont une réalité, tout comme les dommages pour la santé physique, mentale ou sociale qui peuvent en découler.

Que fait-on pour ces usagers jeunes et moins jeunes qui décident de consommer malgré les messages répétitifs de prévention ? Perdent-ils pour autant leur droit à la santé  ? Combien d’entre nous n’ont pas déjà conduit leur véhicule plus vite que la vitesse autorisée, est-ce pour autant que notre ceinture de sécurité nous est retirée ?

Modus Vivendi A.S.B.L. et ses partenaires ont pris acte de ce constat sans juger la consommation, ni les consommateurs. Les professionnels de la Réduction des Risques ont choisi de les informer sur les risques encourus et les moyens de les réduire.

Subsidiée par le Ministère de la Santé et de l’Aide à la Jeunesse de la Communauté française, le projet expérimental d’analyse de produits psychotropes (appelé vulgairement Testing) mis en place à Modus Fiesta s’inscrit dans la politique de Santé publique recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé et développée par l’Union européenne.

Son objectif général est de réduire la morbidité et la mortalité liées à l’usage des drogues dites de synthèse. Leur usage est un phénomène qui concerne environ 100 000 jeunes en Communauté française de Belgique. Ceux-ci ont majoritairement entre 15 et 30 ans. Pour la moitié d’entre eux, la consommation s’arrête après 2 ans ½ en moyenne. www.eurotox.org

Le projet contribue régulièrement à la découverte des produits particulièrement nocifs signalés par des alertes précoces au niveau national (Institut scientifique de la Santé Publique) et au niveau européen du Système d’Alerte Précoce (Early Warning System).

Un projet européen vient d’ailleurs d’être finalisé (www.safernightlife.org) sur le sujet qui inclut la constitution d’une base de données des résultats d’analyse de substances psychotropes collectées par les associations à travers l’Europe (Jellinek (NL), Check In (PT), DIMS (NL), Techno+ (FR), Check it (AU), Ailaket (ES), Energy Control (ES) et Modus Vivendi (BE). Celle-ci a pour effet une meilleure connaissance des produits en circulation, ainsi que des adultérants, une augmentation de la rapidité de détection et de réaction lorsqu’un produit dangereux est identifié et une meilleure coordination des actions de santé : http://www.tediproject.org/

En effet, dès qu’un produit apparaît sur le marché, s’il est inconnu ou s’il présente un risque réel pour la santé, l’analyse de substances psychotropes permet d’identifier la substance et les produits de coupe réellement consommés par les usagers. Cette identification est complémentaire à celle effectuée lors des saisies des forces de l’ordre. Réalisée en amont de la chaîne de vente, l’analyse des saisies s’effectue sur des produits moins coupés qui subiront encore plusieurs manipulations avant d’atteindre les consommateurs. De plus, dans ce cas, les résultats sont souvent rendus publics plusieurs semaines après que le risque sanitaire soit passé.

De nombreuses évaluations des projets d’analyse autrichiens, hollandais, allemands, belges, etc. ont montré les apports de cet outil ainsi que l’absence d’effets pervers ou négatifs de ce type de projet.

 Produit sûr ou pas… là n’est pas la question !

L’analyse de produits permet de donner une information claire et objective. Cette pratique s’inscrit dans un dispositif de Santé plus large de promotion de la santé, de prévention des maladies infectieuses et de réduction des risques.

Si les brochures de Réduction des Risques permettent de donner une information générale sur les produits, le projet d’analyse a quant à lui la particularité de s’adresser à l’usager qui s’apprête à consommer. Il permet d’adapter les conseils de Réduction des Risques en fonction du consommateur et du produit testé.

Sida, hépatites, déshydratation, hyperthermie, crise d’angoisse, nausées, overdoses… nombre d’accidents sont évitables. Les problèmes de santé sont en partie liés au produit lui-même et à l’absence de contrôle sur son contenu. Ils sont également liés au contexte et aux modes de consommation ainsi qu’aux caractéristiques individuelles des personnes. L’analyse de produits psychotropes rappelle que la composition du produit est un facteur de risque parmi d’autres.

Les individus ne sont donc pas égaux devant les consommations, le sont-ils en matière de Droit à la Santé ?

Le produit sans risque n’existe pas. L’analyse de produits psychotropes n’est pas un label de qualité mais un outil de contact et d’information.

L’analyse de produits est une opportunité unique de discuter de la consommation, d’entrer en contact avec l’usager et d’établir un premier lien avec le secteur psycho médico-social.

Il permet :

• de rencontrer le consommateur dans un cadre individualisé sans risque d’être jugé ou de perdre son anonymat,

• de répondre à toutes ses questions liées à la consommation de drogues,
•  
• de l’informer sur les risques qu’il prend et les moyens de les réduire.

« Bien qu’ils soient d’une grande complexité, les problèmes liés aux stupéfiants ne doivent pas occulter le fait que les droits de l’homme concernent dans leur intégralité les consommateurs de drogues, comme toute autre personne. Il est prouvé que des vies sont sauvées grâce aux programmes de réduction des risques. Dans de nombreux pays, les services de réduction des risques sont encore inexistants. Cette carence fait plus de victimes que les drogues elles-mêmes ». [Michel Sidibé, Directeur exécutif du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), Genève, Suisse, 2009. http://www.unaids.org/fr/KnowledgeC...]

Modus Vivendi asbl
www.modusvivendi-be.org