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Carte blanche : La crise sanitaire actuelle exacerbe les inégalités économiques et sociales de la société.


Alors que l’on commence à envisager un assouplissement des règles dans le confinement, il est des populations pour qui cela ne va pas soulager l’insécurité qui repose sur leurs épaules. Les personnes précaires, vivant à la rue, usagères de drogues sont une constante dans l’oubli des politiques qui ont été mises en place ces dernières semaines.

Déjà souvent exclues des systèmes de soin, marginalisées par la société, comment peut-on ne pas avoir envisagé qu’elles seraient d’autant plus exposées à la crise en cours ? Bien que le constat sur les défaillances du système de santé publique soit global et ses raisons multiples (privatisation et libéralisation du système de soin, sous dotation de l’hôpital public, sous-investissement de l’approche préventive, marchandisation de la santé, etc.), nous ne pouvons qu’avoir un goût amer quant à l’incapacité des politiques publiques d’inclure ces populations dans leur stratégie de santé.

Encore une fois abandonnées à leur sort, on laisse les associations se débrouiller pour garantir une continuité de services et de soins sans protections suffisantes pour ses travailleurs ni moyens assurés pour pallier aux défaillances de l’Etat. Même si un réveil tardif a vu le jour au sein de certaines instances, aucune politique globale n’a pu être assurée sur l’ensemble du territoire, créant et renforçant les inégalités entre les régions.

La stigmatisation qui repose sur l’usage entraîne inexorablement des refus de soin dans chez une population pourtant caractérisée par des problématiques de maladies chroniques (VHB, diabètes, etc.), une surexposition au VIH, à l’hépatite C ou à la tuberculose et aux maladies respiratoires. Toutes ces comorbidités ne sont que des facteurs aggravant d’exposition face au COVID19.

Le confinement a eu des effets délétères qui auraient pu être évités. Alors que la politique répressive découlant des lois prohibitionnistes en matière de lutte contre la toxicomanie est décriée depuis des décennies par tous les acteurs concernés, nous continuons de voir la morale diriger la santé publique.

Le manque d’accès aux produits psychoactifs et leur moindre qualité en raison de la fermeture des frontières, la baisse des revenus liés à la manche en rue, le soin rendu encore plus difficile d’accès sont autant de marqueurs d’une politique globale qui ne fonctionne pas. Le recours à de nombreux dispositifs existants, et pour certains ayant été expérimentés avec succès, auraient été salvateurs dans le cadre de cette crise : les salles de consommation à moindre risque avec un statut légal et protégé ou les traitements de substitution à la diacétylmorphine.

Ces manquements ne doivent évidemment pas passer sous silence la forte réactivité du secteur bas seuil et de 1re ligne dans l’accompagnement de ces populations et le maintien des services d’accueil, mais aussi de soins.

L’avenir reste grandement incertain et il y a fort à parier que nous ne sommes qu’au début de cette crise sanitaire et économique. Il ne tient qu’à nous de transformer cette crise en opportunité pour changer durablement la façon dont notre société perçoit ses populations les plus vulnérables. Il est temps de changer de paradigme et de considérer la place et la parole de ces personnes à valeur égale à celles de leurs concitoyens.

La guerre à la drogue est un échec patent depuis presque 100 ans, il serait peut-être temps d’envisager un réel plan de lutte contre la pauvreté centré sur les besoins des populations et non sur ce que l’on voudrait qu’elles soient.

Robin Drevet.
Modus Vivendi.