
OMS - Journée mondiale de l’Hépatite C - 2016
Soutenir la Réduction des Risques de transmission, réduire les coûts liés aux traitements, enrayer l’épidémie
A l’occasion de la journée mondiale de l’hépatite C promue par l’OMS et de l’action « Support Don’t Punish » réalisée le 24 juin 2016 plaidant pour que les gouvernements investissent dans des réponses plus efficaces et plus rentables, il est important de rappeler que la RdR est une stratégie de santé publique cohérente et efficiente, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’hépatite C.
« L’usage de drogues par voie intraveineuse reste encore actuellement le facteur de risque principal de contraction du VHC (virus de l’hépatite C) [1] ». « La prévalence actuelle du VHC au sein des la population consommatrice de drogues par voie intraveineuse varierait de 47 à 85% selon les études [2] ». Ce virus se transmet par contact sanguins directs et indirects, via des rapports sexuels non protégés ou le partage d’une seringue par exemple. Le virus de l’hépatite C résiste plusieurs jours à l’air libre et a un pouvoir contaminant élevé car une très faible quantité de sang permet sa survie et sa transmission. L’ensemble du matériel d’injection peut transmettre le virus. En 2013, une étude nationale Drug-Relted Infectious Disease financée par le SPF Santé a été réalisée. Sur un échantillon de 180 personnes recrutées parmi les Maisons Socio-sanitaire (MASS) de Belgique, ayant consommé par injection au moins une fois au cours des 12 derniers mois, 43.3% des répondants étaient porteurs du VHC. Parmi les 144 personnes qui ont eu recours à l’injection au cours des 30 derniers jours, 42.3% avait partagé du matériel connexe (cuillères, eau, …) et 14.2% une seringue au cours de ces 30 derniers jours [3].
En 2015, l’ensemble des comptoirs d’échange de seringues, actifs à Bruxelles et en Wallonie, (une vingtaine de services) ont distribué du matériel stérile d’injection pour un montant minimum de 140 005,90€ [4]. En comparaison, les médicaments actuellement utilisés pour deux traitements hépatite C de personnes ex-consommatrice de drogues par injection, coûtent à l’INAMI 141 391.40€ [5] .
Par jour, cela revient à 841 €, pour trois comprimés. Un jour de matériel d’injection stérile pour un consommateur coûte 7€ soit 120 fois moins [6].
Le dernier rapport disponible concernant les investissements publics dans la politique drogues relève que 0.24% des investissements sont destinés à la Réduction des Risques, quand 69.31% sont destinés à l’assistance et soins de santé et 20.32% pour la sécurité [7] . Ce rapport a été réalisé avant l’introduction des nouveaux traitements sur lesquels nous nous sommes basé dans cette analyse. Si la politique continue de se concentrer sur le soin et les traitements, les investissements dans ce secteur devraient encore augmenter. Il y aurait lieu de développer une politique publique articulant RdR, prévention et traitement.
Combiner les stratégies de santé publiques en renforçant la réduction des risques de contamination en amont et traiter les personnes infectées en aval, permettrait de réduire les coûts de traitements et d’endiguer l’épidémie de l’hépatite C [8].
“It is important that countries where injecting drug use occurs prioritize immediate implementation of needle and syringe programmes and opioid substitution therapy ”. OMS – juillet 2014 [9].
Pour Modus Vivendi,
Mira Goldwicht
[1] L’usage de drogues en Wallonie et à Bruxelles, rapport 2015, asbl Eurotox, Bruxelles, 2016, p. 95
[2] L’usage de drogues en Communauté française, Rapport Communauté française 2010, asbl Eurotox, Bruxelles, 2011, p. 98.
[3] L’usage de drogues en Communauté française, Rapport Communauté française 2015, asbl Eurotox, Bruxelles, 2016, PP 97 et 98.
[4] Calcul réalisé à partir des informations déclarées par les services concernant les quantités de matériel donnés par les services bruxellois et wallons en 2015 et des prix du matériel d’injection disponible via la centrale d’achat du matériel stérile d’injection coordonnée par Modus Vivendi, données Modus Vivendi 2016. Ce montant tient compte uniquement des données connues par Modus Vivendi. Les services distribuent du matériel supplémentaire (feuilles d’aluminium pour la consommation par inhalation, containers récupérateurs de seringues usagées, garrots, qui n’a pas été comptabilisé dans ce calcul.)
[5] Calcul réalisé sur base d’un entretien avec la liste des médicaments pris quotidiennement par un ex-usager de drogues par injection, et des données sur le prix payé par l’INAMI pour l’obtention de ces médicaments, en fonction des données du service Spécialités pharmaceutiques remboursables - Section Politique pharmaceutique de l’INAMI. Le traitement se compose comme suit : Sofosbuvir – comprimé de 400 mg - 1 comprimé par jour à 517, 6475 € par comprimé + Simeprevir - 150 mg - 1 comprimé par jour à 315,7304 € par comprimé + Ribavirine - 200mg – 5 comprimés par jour à 1,6477€ par comprimé.
[6] Le coût du matériel d’injection quotidien pour un usager a été calculé sur base de 5 injections quotidiennes avec l’ensemble du matériel (seringue, tampon alcool, eau, cuillère, filtre tampon sec, acidifiant, outil info), données Modus Vivendi 2016.
[7] La drogue en chiffres III – Freya Vander Laenen, Brice de Ruyver, Johan Christiaens, Delfine Lievens, BELSPO et KUL ; 2010 (données 2008)
[8] Lire à ce propos une étude réalisée en 2013 à l’Université de Glasgow. Cette dernière montre qu’en augmentant la couverture des programmes d’échanges de seringues de 20%, on réduit de 30% les investissements nécessaires dans les traitements hépatites C. Cette étude mentionne également la diminution des coûts à laquelle on pourrait s’attendre en termes d’amélioration de l’état de santé générale de cette population spécifique (diminution des abcès, et autres infections, par exemple). Combination interventions to prevent HCV transmission among people who inject drugs : modeling the impact of antiviral treatment, needle and syringe programs, and opiate substitution therapy, Martin NK1, Hickman M, Hutchinson SJ, Goldberg DJ, Vickerman P. 2013,
[9] « Il est important que les pays dans lesquels il y a de la consommation de drogues par injection, priorisent immédiatement l’implantation des programmes d’échange de seringues et de thérapie de substitution ». Consolidated Guidelines on HIV prevention, diagnosis, treatment and care for key populations, OMS, juillet 2014, p.24.